jeudi 25 février 2010

Je faisais de l'auto-stop à Papeete, la grande ville de Tahiti.
Elle s'est arrêtée avec son gros bus scolaire. Elle me fait signe rapidement: "Vite, vite! Monte! Dépêche-toi!" Je m'exécute. Puis, me désignant la banquette derrière elle: "Assieds-toi là!"
Elle s'explique, en continuant de rouler "Je n'ai pas le droit d'embarquer des gens. C'est un bus pour enfants. Je vais les chercher à l'école. Vous allez jusqu'où?"

"Punaauia..." "L'école est à Faa, un peu avant. Il y a un arrêt de bus juste à côté. Je vous conduirai jusque là."

On discute. Elle me fait sourire. Je la trouve si attachante. Une petite dame assez corpulente, qui contient une immense énergie dans son corps bien potelé. Assez pour conduire un bus, le mener à elle seule. Ses délicates mains sur un volant si robuste.
"Il vous plaît votre boulot?"
"Ah! On ne choisit pas. On fait avec. La vie n'est pas facile, de nos jours. C'est de plus en plus cher ici. Mais ça va. Je suis contente avec ce que j'ai. Vous savez, il faut apprendre à se contenter."

On arrive à destination. Elle m'explique bien que je dois prendre ce bus là, sur la droite, que je dois bien attendre à cet endroit-là, que ça ne devrait pas être long... Elle me donne même quelques pièces pour le bus. Elle veut être sûre que je ne lèverai pas le pouce sur le bord de la route. "Attendez-moi là, je gare mon bus."
Je la regarde qui se presse, ses yeux illuminés, son sourire aussi, si heureuse de participer. Ce moment semble important pour elle. Cela me touche tellement. Toute l'importance qu'elle me donne si spontanément.
On continu à discuter devant son bus, en attendant le mien. Et à Tahiti, il ne faut pas être trop pressé...
Elle me dit des choses si vraies, si belles, que j'en ai des frissons.
"Il ne faut pas demander. La vie est trop courte. Il faut juste profiter. On est en vie, c'est ce qui compte. En santé; deux bras, deux jambes. Il faut apprendre à se contenter. Oui, la vie est trop courte."

Vous savez, quand on entend des mots qui sont ceux que l'on doit entendre, à ce moment précis.
Quand on sent que cet instant est unique et plus grand qu'il n'y paraît.
Quand on sent que quelque chose de grand nous parle, à travers la bouche un peu édentée de cette petite tahitienne.
Cela continu de réchauffer mon coeur depuis.

Mon bus est arrivé. On s'est dit aurevoir. Je l'aurais serrée si fort contre moi. Je l'aurais mise dans ma poche, si j'avais pu. Oui; toute petite, dans ma poche.

Un ange qui passait par-là...


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