
Ne rien devoir à personne.
Il a toujours rêvé d'être pilote d'avion. Il habitait au Chili, avait les cheveux longs, était adolescent. Son père ne l'a jamais pris au sérieux. Il s'était renseigné sur les écoles de pilotes d'avion. Il avait envie d'aller faire celle de Miami. Mais il avait besoin de sous...
Il a décidé de partir pour Londres, où un oncle très riche possédait une entreprise d'entretien.
Il avait seize ans. Pendant un an, il a repassé chemises, pantalons - tout ce qui se repasse. Aujourd'hui, il ne peut plus voir un fer à repasser sans avoir un haut-le-coeur!
Les mains pleines d'ampoules, mais le porte-feuille bien garni et avec une fierté qui ne s'enlève pas, il est parti pour Miami.
Et cela n'a pas été facile. Il a échoué des cours, s'est découragé, s'est senti bien seul et bien petit. Dans ce grand monde, dans ce grand ciel...
Il parlait quelques fois à ses parents pour leur donner des nouvelles. "Tout va très bien. Il fait beau, c'est génial ici!" Il avait un immense sourire au téléphone -qui s'effaçait dès qu'il raccrochait. Mais il fallait être fort, il fallait les rassurer. Il fallait réussir coûte que coûte.
"Un jour, je serai aux commandes d'un cockpit!"
Il a finalement eu son diplôme et fût engagé dans la plus grande société aérienne du Chilie.
Il est rentré chez lui et son père ne le croyait pas. Il lui a dit "Viens avec moi. Je vais te montrer quelque chose." Et il l'a fait monter dans l'avion auquel il avait les commandes.
"Bonjour, ici votre commandant de bord. Just relax and enjoy your flight!"
Quand il me racontait tout cela, il avait tellement de puissance dans la voix et dans le regard.
"Je m'en foutait que mon père ne me croit pas. Je me foutait aussi qu'il soit fier ou pas. C'était pour moi. Je ne devais rien à personne. J'y étais arrivé et je voulais lui montrer."
Il me parlait, à maintenant 32 ans, un cocktail à la main, tout juste arrivé dans son hôtel à Tahiti. "J'ai la vie que j'ai rêvé, j'ai le plus beau métier que je puisse espérer. C'est une fierté tellement grande. C'est quelque chose que personne ne peut t'enlever..."
J'avais des frissons de ses émotions. D'une réalisation plus grande que lui. D'un rêve qu'il aurait pu croire trop grand. "Il faut juste faire ce qui te rend heureux. Juste faire ce que tu aimes sans rien demander à personne."
Il regarde au loin, souriant, fier, dans le bleu de l'océan.
"Just enjoy your flight"
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