Ce serait beaucoup plus simple la vie si l'on pouvait entendre battre les coeurs.
Sans avoir l'oreille collée dessus. Juste entendre les coeurs battre, dans les wagons de métro par exemple. Ce serait tellement plus simple, tellement plus beau. Tellement moins bruyant..
J'étais assise dans le métro. Le métro, un endroit où chacun est là, mais ailleurs. Plus ailleurs que presque nul part ailleurs. Tous collés les uns les autres, mais chacun à quelque part d'autre.
A réfléchir à ce que je dois mettre dans mes courses, "il ne m'a pas embrassé ce matin", "je suis en retard", "ne pas oublié la moutarde", "à quelle heure le spectacle déjà", "je serais bien sur une plage au soleil", "qu'est-ce qu'elle a à me regarder comme ça elle?", "merde, j'ai mis une chaussette brune et une autre noire"..
Le métro est comme un espace très intime, où chacun retrouve sa petite bulle à lui. Du mieux qu'il peut. Et la partage. Parfois plus que d'autres. Vers 18h, elle éclate, la bulle.
J'étais très très loin dans mes pensées moi aussi. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Soudainement, j'ai ouvert les yeux, et j'ai entendu respirer l'homme assis en face de moi. Vous allez sans doute me trouver folle. Malgré le bruit autour, j'ai entendu sa respiration, et c'est comme si une parenthèse avait pris place, l'espace d'un instant.
J'ai entendu sa respiration, à la fois délicate, fragile et forte. Immensément forte.
La vie dans ses poumons. Plus forte que tout ce qui pouvait exister, puisque tout existait grâce à cette respiration.
Je l'ai regardé et je me suis sentie si proche de lui, si pleine de compassion pour ce petit corps qui vivait en face de moi. Je ne voulais pas trop le regarder, je me suis dit qu'il allait me prendre pour une cinglée. J'ai fermé les yeux et je me suis concentré sur les battements de son coeur dans sa poitrine.
Si on pouvait entendre battre le coeur de l'autre, on l'aimerait quoi qu'il arrive.
Si on pouvait entendre battre son coeur, on saurait tout de qui il est.
Si on pouvait entendre battre les coeurs, il n'y aurait pas cet espace entre nous. Il y aurait juste des coeurs qui battent comme un seul et même.
Je me suis dit que c'est ce qui nous unissait, dans la solitude, dans la souffrance, dans le désespoir. Nos coeurs qui battent, chacun de son rythme à lui, et chacun part d'une symphonie.
Quand j'ai ouvert les yeux, le monsieur qui avait pris sa place, il avait un petit coeur aussi, mais il ne s'était pas lavé depuis longtemps.
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