Je suis désolée. Trop longtemps que je ne vous ai écrit. Je me suis fait disputer par un lecteur. Ce n'est pas que je ne pense pas à vous. Au contraire! Parfois, ma tête est tellement pleine de tout ce que je veux vous dire que je ne sais plus par où commencer.
Ça vous arrive à vous aussi d'avoir une immense angoisse à la poitrine quand on vous demande: "Quoi de neuf?" Quoi répondre à cela?! Tout est neuf tout le temps pour moi. À chaque millième de seconde, je me sens nouvelle et différente. Je comprends quelque chose, ou je perds quelque chose. Je suis plus éclairée ou plus perdue. Mais le dire, en répondant à quoi de neuf? Ça donnerait quoi?
- Quoi de neuf?
" Hé bien, plein de choses: j'ai trouvé une nouvelle façon de me brosser les dents pour aller plus vite le matin, en accédant à tous les endroits. J'ai compris à peu près comment l'arbre derrière chez-moi fonctionnait avec ses feuilles vertes au grand soleil. Mais c'est pas tout-à-fait clair encore. J'ai presque sauvé la vie à un homme dans le bus qui mangeait une pomme où il y avait encore l'étiquette dessus. Il l'a enlevée sans que je lui dise, mais il a sûrement senti parce que je l'ai vu avant et que je l'ai tellement fixé en lui envoyant tous les messages subliminaux possibles. J'ai aussi sauvé la vie à un chaton tout maigre dans la ruelle, puis à tous ses amis aussi, en lui donnant une boîte de nourriture. Il faut que j'en rachète maintenant -c'est ça le truc avec les animaux et le gens, ils en veulent encore toujours plus après. J'ai observé manger un homme à la peau chocolat et aux yeux bridés dans un restaurant indien, juste son dos dans son gilet, et ses avant-bras, je suis tombée amoureuse, j'ai voulu prendre la place de sa fourchette un moment, il mangeait avec ses doigts, il est parti trop vite, je me demande quelle est sa vie."
Ça doit être pour cela que ça m'angoisse la question "Quoi de neuf?". Ça prend trop de temps à répondre. Il y a trop de mots pour faire des phrases, trop d'idées pour remplir les mots.
Et puis, je suis tellement occupée à vivre. Mais si vous avez le temps, je peux vous raconter...
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