Plus jeune, elle avait rêvé d'être connue. Très connue. De changer le monde. Elle voulait être présentatrice-télé. Elle se voyait déjà animer son émission, recevoir des invités. Elle était sûre, tellement sûre de posséder ce petit je-ne-sais-quoi de complètement unique. Elle en n'avait aucun doute à huit ans. Ni à treize. En a un peu douté quand elle a eu dix-sept ans. A eu à nouveau le monde dans les mains à vingt ans. Puis, était invincible à vingt-deux. C'était son rêve. Sa destinée. C'était assurément ce qui allait arriver.
Elle a commencé à travailler à la radio. Communautaire. Pour se faire la main, la voix. Elle s'est amusée comme jamais. C'était son monde, sa folie. Un sentiment de liberté qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant. Poisson dans un lac d'auditeurs. Presque pas payée, mais on s'en fichait. Son coeur était animé de ce qu'il ne pourrait plus jamais quitter. Comme alimenté par intra-veineuse, nuit et jour, de sourire, de joie, de vitamines bonheur. C'était telle une explosion, et tellement immense que cela ne pourrait tenir dans une seringue.
Évidemment, la passion accomplissant son oeuvre et ses miracles, le jour vint très vite où on lui fît une proposition en or. Une chaîne télé plus grande, plus importante souhaitait l'embaucher. Avec tous les doutes qu'elle avait dans ses frêles jambes, dans son micro et par intra-veineuse, elle accepta. Parce qu'on ne peut refuser une telle offre. Parce que son rêve se rapprochait peu à peu.
Toutefois, la pression considérable et l'anxiété d'être à la hauteur, la figea sur place, en ondes. Elle n'y arrivait plus. Il n'y avait pourtant pas ni méchant patron ni odieuse critique, exigeant d'elle plus que ce qu'elle pouvait donner. Il n'y avait que ce qu'elle savait faire si bien, et un public qui lui demandait d'être ce qu'elle était le mieux. Elle-même.
En étant si près de son rêve, qu'elle avait eu l'habitude d'aimer de loin, elle ne savait plus comment être seulement elle-même. Elle avait tant chéri ce rêve qu'elle se sentait maintenant trop petite pour lui.
Elle a finalement été mise à pieds. La pression avait tué la passion. Elle a mis quelques temps pour s'en remettre. Le temps du deuil d'un rêve. Je crois qu'il n'est jamais fait. Dans un petit coin du coeur, il y a toujours cet espoir de battre plus fort.
Maintenant, elle a pris un autre chemin, très loin des micros et des critiques.
Est-ce que c'est son rêve qui n'était pas fait pour elle, ou était-ce à elle d'être à la hauteur de son rêve?
Est-ce que l'appel de son coeur s'était trompé? On ne sait jamais, tant que l'on n'en fait le choix. Et une fois que l'on prend une autre direction, on abandonne la possibilité.
Je pense qu'une vie par intra-veineuse c'est merveilleux. Aucun rêve n'est trop grand si on se met sur la pointe des pieds. Ou sur une montagne. Ou à dos d'oiseau.
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