vendredi 20 septembre 2013
Changer la bouillie
Je marchais dans le Quartier chinois. J'adore ces petites bulles d'ailleurs. Je m'y sens moins perdue je crois. Je suis entrée dans un restaurant, après avoir regardé la carte de tous ceux autour. Je n'avais pas vraiment faim, j'avais juste envie de me perdre. D'être emportée à la dérive. Et ce restaurant pouvait peut-être le faire? Je ne savais pas encore comment.
Il y avait de la viande suspendue tout près de l'entrée. Des lapins géants? Des canards, des poulets? Non. Je ne sais quel animal mais il m'a accueillie.
Un serveur asiatique m'a fait signe avec le doigt levé "1 personne?". Oulala, pas si vite. Je n'ai pas vu votre menu, on n'a pas fait connaissance encore. Je lui explique que je suis végétarienne. Il me dit de m'asseoir ici, là. Il va chercher un menu et l'ouvre devant moi. Il m'explique, même pas pressé, tous les choix que j'ai ici. Il est très gentil. Gay aussi. Je pose une question sur ce plat: bouillie de riz. Il m'explique encore, prend le temps. J'ai l'impression d'être tout ce qui importe dans le restaurant. On s'en fiche de ces plats qui attendent ou des clients qui entrent: Mademoiselle veut connaître la bouillie de riz.
Il est si charmant, délicat et attentionné. Je l'aime déjà. Maintenant qu'on a fait connaissance, qu'il a utilisé tous les mots qu'il connaissait, je ne vais tout de même pas partir. Je reste.
Il m'installe donc à une table. Me laisse la choisir. Me sert de l'eau avant même que je lui demande. Décidément, il est parfait.
La bouillie arrive. Oh. Plus grand bol que je ne l'imaginais. Je goûte. Aïe, je me brûle la langue. -1 point pour la bouillie. Je souffle, re-goûte. Pas beaucoup de goût. Pas de goût du tout, je dirais même. Monsieur, on a le droit de mettre de la sauce soya? Il est occupé, je me permets d'en mettre. Je goûte à nouveau. Me brûle encore une fois. Ça ne tiédit jamais la bouillie? Je souffle et re-goûte. Monsieur, on a le droit de mettre le pot de sauce soya en entier?
Il passe, me fais un sourire. "C'est bon?" Mmm, oui! Je suis un peu gênée; j'ai peur qu'il ne voit que j'ai ajouté de la sauce parce que ça ne goûtait rien. Qu'il soit vexé. Il va sûrement voir, ça a changé la couleur de la bouillie. Mais ce n'est pas meilleur. Et le bol est de plus en plus gros il me semble. Si j'arrête maintenant de manger, il sera triste. Il se dira, elle n'a pas aimé. Lui qui m'a si bien accueilli, qui a été si gentil. Je suis polie; je mange. J'en laisse un peu; la délicatesse. J'ai mal au ventre.
Je ressors bien déçue. Le ventre très remué, la langue brûlée. J'ai fait connaissance avec la bouillie de riz.
Je me dis que peut-être, si le serveur est moins gentil, la bouillie a meilleur goût?
Je retiens la leçon: ne pas se laisser prendre aux apparences. Aller directement aux cuisines.
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