jeudi 6 mars 2014

Le blanc

J'ai vu la plus magnifique des petites filles. Elle était tout-à-l'heure dans le métro.
Le wagon était bondé, j'avais une place assise, je l'observais devant moi, prise entre tous ces gens, des longues jambes, des manteaux, des sacs qui prennent trop de place. Des mauvaises odeurs, des mauvaises humeurs...
Je la voyais, toute petite parmi ce grand monde, et pourtant plus grande que tous.
Je la voyais, si pure et belle, un visage d'ange au longs cils pâles, lèvres rondes et chastes de n'avoir encore parlé.

On a joué à cache-cache en silence dans la distance qui nous séparait, elle a éclaté de rire. On s'est dit davantage, en se regardant dans le travers de nos cils, que tout ce que l'on peut se dire entre adultes devant un café. Par nos timides battements de cils, on s'est apprivoisées.
Elle regardait partout, happée par le moindre geste, sensible à tout ce qui effleurait son petit grand monde.
Je l'observais. Je me disais que j'aurais bien voulu la protéger contre tout ce qui pourrait atténuer ses longs cils. J'aurais voulu la préserver de la dureté sur sa peau. De la puanteur, de la saleté, de la poussière, des gros mots.

Quand je suis sortie du métro, parce qu'il faut toujours partir un jour, je lui ai dit aurevoir de la main. Des deux mains même. Et j'ai regardé sa maman.
Je ne l'avais pas encore vue, elle était cachée par les autres passagers. Plus d'années et moins de vie dans les yeux. Il paraît que c'est normal, la vie qui laisse ses traces et marque un peu. Le coin des yeux, le blanc aussi. Sur les lèvres, sous le menton, dans les mains, sur l'échine.

J'ai l'impression que chaque jour est un combat de géant pour préserver le blanc. Une mission ultime pour protéger la pureté. La délicatesse aussi fragile et effritable qu'une feuille de papier de riz...
J'ai dit à la mère comme sa fille était belle.
Je suis partie sans lui dire d'abrier sa pureté. De mettre le blanc sous le verre.

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