La vie est grande. Il faut être à sa hauteur.
Elle a fait l'Atlantique à la rame.
Pas une traversée du lac, ni les olympiques. Seule dans une humble embarcation pendant douze semaines, elle a joué sa vie face au grand large.
Il y a des jours où je pourrais m'effriter sur moi-même. Des jours que je pourrais qualifier "papiers de riz". Qu'est-ce qu'on fait quand on est au milieu de l'océan, les jours papiers de riz?
On se relève. Parce que c'est nous ou la tempête, et qu'il faut être fort.
Je la revois encore, dans le fond de son minuscule bateau, le jour, la nuit, au beau milieu de la mer, dans ses vagues et son torrent.
Elle a eu droit à une tempête déchaînée, un jour. Deux jours. Puis trois, quatre...
Les vagues, c'est plus grand et plus fort qu'un minuscule humain. Mais quand la tempête est là, il ne faut pas y penser. Il ne faut pas penser qu'on pourrait si facilement se faire avaler. Parce que dès qu'on laisse un petit doute se faufiler, c'est le risque qu'il avale tout sur son passage. Qu'il avale nos rames.
Alors, quand la tempête a été là, elle est restée aussi minuscule qu'elle était. Elle ne pouvait rien changer à cela, n'avait pas dans ses provisions les épinards magiques de Popeye.
Elle a juste fait avec la tempête.
Tenir fermement les rames. Vider le bateau quand il y avait trop d'eau. Rigoureusement écouter la radio portative qui la reliait au monde. Suivre les directions. Et prier quand elle a cessé de fonctionner...
Elle a eu peur, elle a pleuré, elle a cru mourir peut-être. Mais jamais assez longtemps. Elle n'avait pas le temps de s'apitoyer. Chaque seconde est décisive. Une seconde mal utilisée, et le bateau peut chavirer. Alors, on renifle et on garde le cap.
Maintenant qu'elle a accompli cet exploit, qu'elle a de nouveau les deux pieds sur la terre ferme, la vie doit lui sembler si simple. Elle doit se rire de tout, c'est presque trop facile. Les doigts dans le nez, la vie!
Je pense à elle quand je ne me sens pas à la hauteur. Les jours papiers de riz.
La vie est trop grande pour y être petit.
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