Elles vivent dans les montagnes du Tibet.
Elles ramassent le sel depuis des générations. Elles doivent d'abord porter l'eau salée dans des seaux d'environ vingt kilos chacun. Puis, la verser sur les surfaces planes qu'elles ont créées pour ramasser le sel. Miracle du soleil et du vent, comme elle le nomme.
Elles répètent cette corvée plusieurs fois par jour. Chaque jour que le soleil éclaire.
C'est un rôle de femmes. Aucun homme ne peut les aider.
Une jeune femme de vingt-deux ans accomplie cette tâche depuis déjà dix ans.
Cela pour subvenir aux besoins de toute sa famille.
J'ai regardé ce reportage- cette femme menue qui s'affaire, portant de lourds seaux, glissant parfois sur la terre boueuse. Cette femme qui recueille avec toute sa délicatesse le sel accumulé, comme s'il s'agissait de crystaux d'or. Tel un rituel, une prière. Toute son âme offerte à la tâche.
Et j'ai prié pour elle. Pour elles.
J'ai soudain pris conscience de la provenance du sel dans ma salière. De son long chemin jusqu'à moi. Et de toutes ces choses qui nous entourent et qui font partie de notre quotidien. On ne réalise pas le miracle de leur chemin jusqu'à nous.
Tout le travail qu'il a fallu pour rendre ces ressources accessibles. L'eau, l'électricité, l'ordinateur. Nos chaussures, notre crème de jour. Et la banane dans le panier de fruit...
Grâce au travail de milliers de gens, grâce à l'amour et la dévotion qu'ils y mettent, grâce à leurs sueurs et leurs larmes, nous avons l'abondance.
On doit beaucoup.
Si l'on ne ramasse pas de sel aujourd'hui, on se doit tout de même d'offrir au monde toute l'abondance que l'on reçoit.
On se doit de mettre les mains à la tâche. Chacun de nous. A notre façon.
Parce qu'il y a des gens qui ont créer le sol où nous marchons et le toit sur notre tête.
1 commentaire:
Pour toi Charlène, en appui à ton beau texte grevé de sel...
Sel et sang de la mémoire
par Élaine Audet
La mer était ouverte comme un tiroir en désordre
Des oiseaux forts fendaient en flèche le fil du temps
Je craignais qu’ils m’emportent à jamais loin de moi
Pour m’enfouir dans un miroir fermé à clé
Le ciel était couvert comme un désastre
Larmes de l’enfance grandes ailes du souvenir
Cloche d’eau qui battait sous mes tempes
Sous la peau murée du temps
Que peuvent les armes sans un tueur
Sans l’œil qui vise au cœur de l’envol
Envieux de l’espace tracé par nos mains
Des lits profonds où nous cultivons la joie
Décembre va au bout de son sang
Avec l’encre répandue de nos mots
Quatorze noms contre la haine et l’oubli
Avivent à jamais le désir de vivre libres
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