dimanche 28 juin 2009

Stan

Il avait plein de tatouages, une tige de métal dans la colonne et des yeux de petit garçon.
Il avait les bras musclés, roulait à moto et rougissait quand il me voyait.

On s'était rencontrés au vietnamien du coin. Il m'avait parlé de mon accent, puis de mes yeux, n'avait pas su comment s'y prendre. Il avait été maladroit, je l'avais trouvé attendrissant.
Il avait cherché à me revoir, j'avais volé comme un papillon.

On se revoyait toujours par hasard.
Sur la rue. Il s'arrêtait en moto. Je ne le reconnaissais jamais sous son casque.
Ou alors on se croisait sur le trottoir.
Il avait une façon de me regarder et de ne rien dire. Une façon de vouloir sans demander, qui m'arrachait le coeur. Juste là, à attendre d'être aimé. Comme un enfant.

Il y avait derrière ses yeux, un manque qu'il cachait. Dans sa colonne en fer. Et que moi, je voyais.
Et alors, j'avais envie de tout lui donner. Même un bout de ma colonne. Tout pour éclairer ses yeux. Tout pour chasser ses nuages.

Il avait le coeur si sensible que je pouvais presque le sentir battre. Juste en étant près de lui.

La dernière fois que je l'ai vu, je courais pour attapper le bus. Il a sourit, un soleil dans les yeux. On ne s'était pas vus depuis longtemps. Je lui ai fait signe de la main, envoyé un baiser. J'ai volé encore..
Et je l'ai regardé par la vitre, en me disant que j'aurais bien pu rater le bus..

J'ai appris aujourd'hui qu'il est mort. Crise cardiaque. Comme ça, soudainement...

Aujourd'hui, son coeur, que je sentais battre, s'est arrêté.
Aujourd'hui, ce petit coeur fragile n'est plus.

Pourquoi je sens, si fort aujourd'hui, qu'on peut faire battre des coeurs?
Que l'amour est oxygène.
Que le bus aurait pu attendre que je lui donne un peu d'air.

2 commentaires:

Priscilla Priky Plume a dit…

Wouaou! C'est vraiment vrai tout ça? C'est si triste...:(

Kenza a dit…

C'est si beau et si vrai...