Film

Je suis dans un film muet. Vous pourriez croire que je suis enfermée. En noir et blanc de surcroit.. Non. Au contraire. Je n'ai jamais sentie tant de liberté.
Je n'ai qu'à monter le sourcil et on comprends que je suis anxieuse. Qu'à faire une moue et on sait que je suis contrariée. C'est la musique qui parle pour moi. Je lève le pied et la musique me suit. Je décide, et tout le reste se met en place. Je suis comme le chef d'orchestre. J'adore. Et hop, je lève le doigt. Nul besoin d'en faire plus. Roulement de tambour, mes yeux en premier plan. Voilà. C'est dit.
Avant, je devais me battre pour qu'on m'entende. Pour dire qui je suis. Tenter de parler pour qu'on me comprenne, parler un langage qui n'est pas le mien. Ici, je n'ai plus besoin. Chacun de mes gestes, chaque rictus, chaque respiration, est une mélodie. Tout ce que je suis est mots qui volent dans l'espace.
Et je m'amuse. Je fais des pas rapides, je danse. Je joue à cache-cache avec la musique, en essayant d'aller plus vite qu'elle.
Si je suis triste, elle ralentie. Elle est comme des bras autour de moi. Jusqu'à ne faire qu'un avec mon souffle. Si je cherche, elle cherche avec moi, s'accélère et trépine pour fouiller dans tous les coins. Et quand je trouve, elle s'étend, comme d'immenses mains, pour découvrir ce que j'ai cherché. Si je ris, elle devient mes poumons qui s'agite. Elle est toute vaste, rouge, belle de ma joie.
Si j'aime, elle est silencieuse. Elle se cache, timide. Sautille, parfois. C'est comme si elle avait lancé un grand tapis rouge. Elle s'efface, pudique. Et moi, j'ai juste envie de me cacher sous le tapis..

C'est bon d'être ici. D'exister simplement. Je ne voudrais plus sortir de la caméra. J'ai peur du monde au dehors. Je ne sais pas vivre sans ma musique.