samedi 30 juin 2012

A faire semblant

Je n'ai pas quitté l'enfance. Je les regarde et je vis exactement ce qu'ils vivent. A travers eux. Je ressens leur coeur pur et qui aime grand. Leurs yeux qui découvrent. 
Avec des adultes c'est souvent si compliqué. Ne pas faire ci, ne pas dire cela.
Avec des enfants, c'est simple. C'est chaque moment qui passe.
L'instant, maintenant, qui contient l'entièreté de l'univers au complet.

"Etre adulte" ce n'est en réalité que faire semblant de ne plus être enfant. En s'habillant de vêtements plus grands. En prenant un air sérieux. En parlant de longs mots que l'on ne comprend même pas. En construisant de grandes maisons, pour être bien seuls les uns les autres. Et regarder la pelouse et son voisin, en les souhaitant le plus loin possible.

Ce matin, je vais faire quelques courses à la fruiterie. Du melon, des concombres. La caissière ne parle pas beaucoup. Elle passe les articles, me dit le prix. Cela me fait penser à lorsqu'on jouait à la vendeuse, enfant. Ou au professeur d'école. On prenait parfaitement la peau de son personnage, de ce qu'on avait vu faire autour de nous. On entrait dans son rôle, en répétant ce que l'on a observé.
Ce matin, j'ai regardé les mains de la caissière. Elle avait d'impressionnants ongles manicurés et brillants. Je lui dit "Beaux ongles.." "Quoi?" "Vous avez de beaux ongles" "Ah. Merci".
Elle est caissière, j'étais la cliente. C'était la réplique possible entre nous.
Mais pourquoi est-ce que cela me laisse toujours une impression de brise froide dans le dos?

Je suis sortie de la fruiterie et j'ai revu le même garçon. 
Il était là quand je suis entrée, parlant avec ferveur au téléphone à son oreille. Ou à lui-même. J'ai présumé que le téléphone n'était qu'un prétexte. Je ne saurais lui donner d'âge.
Il parlait maintenant à un jeune homme souriant à ses côtés. Je suis passé près de lui, et il a dit: "Wow. Quels beaux yeux." Je me suis retournée pour lui sourire. Il ne s'attendait pas à cela. Il était tel un enfant devant un arc-en-ciel.
Il a dit quelque chose comme "Tes yeux sont mes yeux. On s'appartient." C'était beau. Parce que cela sortait du rôle de clients qui se croisent. Parce que c'était vrai et spontané.
Il n'y a pas de différence entre toi et moi. Les enfants le savent. Ils n'entrent dans des rôles que pour jouer à faire semblant. Jouer à faire semblant, ou jouer aux adultes.

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