lundi 13 mai 2013

Diablesse

Un diable à la messe.

Les églises, ça me rappelle ma grand-mère. Quand je passais des week-ends chez elle, elle m'emmenait à la messe le dimanche. Cela lui faisait tellement plaisir. Et donc à moi aussi. Elle se préparait, se mettait toute belle. Crayon sous les yeux et rouge à lèvres. J'avais même droit à un peu de rouge moi aussi. Je la regardait faire, et tant d'amour dans les yeux. J'étais si fière qu'elle soit ma grand-mère à moi!

Depuis, j'aime entrer dans les églises, juste parce que c'est doux et calme. Et que je me sens un peu plus près d'elle.
Il y avait très longtemps que je n'avais assisté à une messe, autre que pour un baptême, un mariage. Honte à moi. J'ai accepté d'y aller la semaine dernière, pour l'ascension avec les parents d'une amie. Ils sont un peu mes parents adoptifs français. Très croyants. Prière avant le repas. Je-vous-salue-Marie plusieurs fois par jour. Respect.

Ils passent donc me prendre le matin. La messe est à 10h30. J'avais intérêt à être à l'heure. Je l'étais.
Papi tout chic m'embrasse: "Tu as oublié de mettre une jupe?". Heu. Non. C'est une robe. Je ris, je lui dit de ne pas s'en faire, j'aurai un long manteau!
Quand je vois Mamie dans la voiture, elle me dit: "Tu attaches ton manteau, n'est-ce pas?" Oui, oui.. Je regarde mes jambes. Elle a raccourci, ma jupe, ou quoi?
Dans la voiture, je raconte mon week-end avec mon meilleur ami. Papi: "Vous allez vous marier?". Je lui réponds à la légère: "Mais non. C'est ce qui est pratique dans un meilleur ami!" "Et il a une femme, lui?" Oula. Si je n'étais pas réveillée, je le suis maintenant. Je fais diversion en rigolant et lui prenant le bras.

On arrive à l'église, je prends bien soin de me boutonner, même s'il fait un peu trop chaud dans mon manteau. J'enferme la diablesse. On me présente à Monsieur le curé qui sonne la cloche. Je remarque ses joues bien rouges. Je me dis.. Non, rien. Je resserre la ceinture de mon manteau.

Mignonne petite église toute en pierres. Messe en latin. Je me laisse transporter par les chants enveloppants. Tout le monde chant, je fais des" mmm..mmm". J'observe un peu autour. Les gens si sérieux. Les enfants habillés comme autrefois, avec des bas jusqu'aux genoux. Ils ne rient pas.
Je remarque que le curé n'est entouré que de garçons sur l'estrade. Et un petit mongole rigolo, qui regarde vers moi et fait des grimaces heureuses. Ca me fait rire.
Puis, le moment de la communion. Je passe les moments un peu longs, où on pose et re-pose nos genoux sur le Prie-Dieu. Aïe. Je pense aux têtes blanches et leur arthrose.
Un à un, ils s'agenouillent devant le curé et ouvrent la bouche pour recevoir l'ostie béni. Je trouve cela un peu érotique quand même. Je chasse tout de suite cette image. Enfermer la diablesse.
Alors que je me prépare à y aller aussi, Mamie vient vers moi et sourit: "Tu ne vas pas aller communier, hein?" Elle me donne un bisou, en me disant "Je t'expliquerai." Je suis surprise. Ma grand-maman m'a toujours laissé y aller. Curieuse, aussi. Pour quelle raison? La diablesse est sortie?!
Après la messe, elle m'explique qu'il faut s'être confessé pour recevoir la communion. Que c'est une question de respect face à Dieu. Confesser ses pêchés pour être pur devant lui. Pourquoi pas.

J'ai un peu déboutonné mon manteau. Mamie me rappelle vite à l'ordre, quand une dame me regarde d'un oeil sévère.
Qu'est-ce qu'on fait avec ses jambes quand on va à la messe? Il faut les confesser?
J'essaie de calmer la Diablesse. Le curé me regarde. Les joues rouges.
Je me dis qu'il l'a trop enfermé lui aussi, son petit Diable..



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