jeudi 26 septembre 2013

Dans le métro

Je l'ai fait passer devant moi dans les escaliers du métro. J'avais remarqué qu'il avait du mal à marcher. C'était surtout pour ne pas qu'il me tombe dessus.
Il a dit "merci madame" "heu, merci Mademoiselle". Et il y avait une majuscule à ce mademoiselle. -Je ne pense pas devenir une madame un jour de toute façon. Pour moi, une madame, ça ne sourit pas beaucoup et ça porte un tailleur.
Il a commencé à me parler. Avec un peu de bave sur le menton. Malheureusement pour moi, on allait à la même vitesse dans l'escalier roulant. Je n'ai pas osé accélérer le pas. Je me suis dit qu'il ne devait pas avoir la chance de parler souvent. Ni avoir des amis plein ses tiroirs. Il me racontait une histoire sur une femme au centre (je ne sais lequel) qui était partie parce qu'elle était amoureuse, ou parce que lui l'était, je n'ai pas tout suivi. Mon instinct me dit que ce devait être la deuxième option.
J'ai écouté un peu, souri, fait signe de la tête. Il m'a dit "je vous dit cela pour que vous sachiez, si cela vous arrive.." Si quoi, m'arrive? Que je tombe amoureuse et qu'il parte? "Mais même si je vous le dis, ça peut vous arriver quand même.." Oui. Bon, merci de m'en aviser. Et il continuait. Je me suis trouvé horrible quand j'ai sorti, délicatement, un livre de mon sac. Je n'avais pas de téléphone en alibi, et ça me rendait trop triste tout cela.
Puis, on s'est quittés, on n'allait pas dans la même direction.
Il m'a dit bonne soirée, et merci. Merci, pourquoi, monsieur?

Je l'ai regardé longtemps de l'autre côté des rails. Seul, à parler pour lui-même. Il racontait quelque chose sur les bonnes bières qu'il allait prendre. J'ai été envahie d'un immense frisson de tristesse. Je l'aurais serré très fort dans mes bras, lui et toute sa solitude. S'il ne bavait pas.
Je me suis demandé pourquoi l'amour l'a déserté, lui. Pourquoi est-ce qu'il y en a qui vivent au chaud et d'autres sont au pôle Nord. Pourquoi est-ce qu'il n'y a personne sur son île à lui.
Pourtant, il doit bien avoir assez de coeurs pour tout le monde. Au moins un chacun. Il doit y avoir assez d'amour sur cette Terre pour réchauffer ceux qui bavent un peu sur le menton.


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