Je me demande s'il savait, en embarquant dans sa voiture, que ce serait sa dernière ballade.
Je me demande si on a une intuition avant l'heure fatidique. Mais surtout, je me demande pourquoi on doit mourir.
Un jour, il n'y a pas longtemps, un ami m'a dit " tu es la seule qui restera pour toujours". J'aime infiniment l'idée, j'aime bien y croire. Je ne peux imaginer un monde sans moi. Sans doute parce que je ne verrai jamais un monde sans moi.
J'ai réfléchi à cela ce matin, en écrivant mes pages matinales, après avoir lu sur la mort affreuse de cet acteur à Los Angeles. Dans le silence d'un thé vert qui infuse, toute ma vie avait soudain une importance si banale, anodine. À quoi ça sert tout cela si c'est pour finir en deux secondes dans un tournant par un mauvais coup de volant?..
On apprend à marcher, puis à tâtons on essaie de vivre, et hop, la vie nous est retirée. On a couru derrière une alléchante gâterie comme une promesse au bout du nez, qui ne restera que promesse.
Alors, je bois un verre de vin. J'embrasse à pleine bouche des lèvres que j'aime. Il n'est que là le bonheur. La vraie promesse c'est maintenant.
Je lis chaque jour une affiche dans le métro qui me fait sourire: "Mon docteur me dit de boire un petit coup, ça ira mieux. Ça ne va jamais, je bois tout le temps."
C'est très difficile de vivre en sachant qu'un jour, on va mourir. C'est immensément courageux d'avancer dans cette aventure, d'y donner un sens et de le préserver, comme un diamant au-dessus de la houle.
Ce qui restera de nous ne sera que le nom qu'on aura porté. Et quelques souvenirs. Mais tout cela ne sera plus important puisqu'on n'y sera plus.
Alors, en buvant ma énième tasse de thé ce matin, et espérant que mon petit coeur allait battre encore longtemps, voici ce que j'en ai conclu:
La seule éternité qu'il existe est celle de cette seconde à agripper. Et puisque notre vie d'humain se terminera trop vite, puisqu'on sera toujours trop bref, qu'on ne sera qu'un petit bout... faisons de ce petit bout, l'extraordinaire.
Moi, je resterai toujours. J'ai promis à mon ami.
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