jeudi 10 novembre 2016

Manquant

Je me promenais sur la plage et j'ai vu un couple d'une soixantaine d'années qui avançait vers moi.
Quand ils se sont approchés un peu plus, j'ai pu apercevoir qu'il manquait à l'homme son bras droit. Sa femme lui tenait la main de l'autre bras, celui qu'il avait entier.
J'ai tout de suite eu des frissons de tendresse. J'ai trouvé cela très beau, j'ai pensé: "Elle doit l'aimer beaucoup..". Puis, je me suis imaginé toute une histoire: ils se sont rencontrés très jeune, puis il a eu un grave accident.. Non, c'est plutôt en essayant de la sauver elle, d'une noyade ou non, d'un terrible incendie, qu'il a du être amputé par la suite. Ou bien il a toujours été comme cela, et elle l'a choisi quand même, malgré son handicap. Quelle belle preuve d'amour..

Je me suis fait rire moi-même avec ces romances. Probablement que tous les couples sur la plage avaient une histoire d'amour aussi belle, sinon plus. Aussi complexe et riche.
L'handicap physique est celui visible. Il est la faiblesse que l'on peut voir à l'oeil nu.
On a tous un bras en moins quelque part. Un petit bout qui manque et qu'on voudrait cacher.
Aimer prend tout son sens quand il manque quelque chose à aimer.
Aimer, choisir quelqu'un, en acceptant ses handicaps, ses faiblesses, ses folies, ses manques. Quand il n'y a pas de raison d'aimer, et que l'on aime quand même.

C'est tellement facile d'aimer dans les apparences. Quand tout va bien, que l'on est jeunes, beaux, heureux, que l'on met une belle robe et sort au restaurant.
Mais quand l'autre perd un bras, ou ses cheveux, ou sa fierté, ou sa force. Quand on voit de l'autre son bout manquant, est-ce qu'on peut aimer quand même?
C'est à ce moment qu'il faut aimer encore plus. Parce que je crois très fort que les bouts manquants, ils repoussent avec l'amour.

J'ai souvent demandé à mes copains: "Si j'ai un accident et que je deviens paraplégique, tu m'aimerais encore?". Et je regrettais aussitôt que la question me revenait, et que je ne pouvais y répondre..

Je pense qu'il faut aimer, surtout quand il manque quelque chose à aimer. Surtout quand on aurait le réflexe de rejeter, de séparer, de ne pas aimer. Il faut aller contre le connu, inventer nouveau.
Il faut ouvrir des horizons de beau, jamais découverts, jamais empruntés, jamais vus.
Il faut aimer le manque, parce que c'est là qu'il y a Vie, que la création peut jaillir.

Les plus belles fleurs naissent du manque: un froid extrême, une sécheresse, la pénombre. Et elles fleurissent le plus souvent d'endroits où on ne les avait jamais espérées.

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